Entreposage frigorifique: des solutions durables pour les pays en développement aux climats chauds
Deux communications du récent Congrès de l’IIF illustrent l’importance de développer la chaîne du froid dans les pays en développement à climat chaud. En Inde notamment, des solutions techniques écologiques existent pour pallier le manque d’entrepôts frigorifiques.
Dans les pays en développement proches de l’équateur, l’absence d’infrastructures adéquates pour la chaîne du froid entraîne d’importantes pertes après récolte, les agriculteurs et les détaillants n’ayant souvent pas la possibilité de conserver correctement les denrées périssables.
Comme le soulignent les auteurs d’une communication (1) récemment présentée lors du Congrès International du Froid de l’IIF, les conséquences des pertes alimentaires sont amplifiées dans les pays en développement par l’importance de l’agriculture sur le plan économique. Ainsi, l’équivalent de 936 milliards de dollars américains est perdu chaque année à cause des pertes alimentaires. En Afrique sub-saharienne uniquement, les pertes alimentaires représentent 40 à 50% de la production alimentaire, soit 4 milliards de dollars perdus chaque année.
Au manque de structures s’ajoutent le manque de fiabilité et l’inadéquation du réseau électrique dans bon nombre de pays en développement, empêchant l’utilisation de technologies frigorifiques conventionnelles à compression de vapeur utilisant l’électricité. Ainsi, en Afrique sub-saharienne, 65% de la population n’a pas accès à l’électricité. Par conséquent, les technologies frigorifiques non électriques sont des options à envisager pour l’entreposage frigorifique dans ces pays.
L’Inde est le deuxième producteur mondial de fruits et légumes après la Chine. L'agriculture y représente plus de 14 % du PIB et emploie environ 44 % de la population. Par ailleurs, 58 % des ménages ruraux dépendent de l’agriculture comme principale source de revenus. (2)
En Inde, jusqu'à 40 % de la production est perdue chaque année, alors que seuls 10 % des produits périssables sont stockés dans des entrepots frigorifiques. Cela correspond à un manque d’infrastructures de stockage frigorifique pour 12,6 millions de tonnes de fruits et légumes. En outre, 85 à 90 % des entrepôts frigorifiques disponibles, sont destinés aux pommes de terre, et environ 95 % de ces entrepôts appartiennent au secteur privé, ce qui limite l'accès aux agriculteurs.
La valeur économique estimée des pertes après récolte en Inde était d’environ 15,2 milliards de dollars en 2021, soit environ 0,5% du PIB du pays.
Si la pénurie d’entrepôts frigorifiques devait être entièrement satisfaite par des systèmes à compression de vapeur, il faudrait environ 12 TWh de production d’électricité supplémentaire. Cette estimation prudente représente 0,5 % de l’approvisionnement national en électricité ; cependant, pour certains États de l’Inde, commele Bihar, qui sont de gros producteurs agricoles, cela impliquerait une augmentation de leur approvisionnement actuel en électricité pouvant aller jusqu’à 17 %. En outre, cette augmentation de la production d’électricité entraînerait 8,7 millions de tonnes d’émissions de CO2 sur la base du mix actuel de production d’électricité. Tout cela limite l’applicabilité des systèmes frigorifiques à alimentation électrique.
Le refroidissement évaporatif est une méthode alternative susceptible de limiter la consommation d’électricité et les émissions correspondantes. Le refroidissement évaporatif s’adaptant mal aux climats humides, si on ne prend en compte que les regions de l’Inde dont le climat est chaud et sec telles que le Rajasthan, seuls environ 25 % de la superficie de l'Inde pourraient être concernés , soit 15% de la production agricole.
Les auteurs soulignent en revanche que si cette pénurie d’entrepôts frigorifiques était comblée par des systèmes à sorption de vapeur à entrainement thermique, l’impact sur la production d’électricité serait négligeable. Les systèmes à sorption de vapeur utilisent la compression thermique qui est moins efficace que la compression mécanique. Cependant, en Inde, 158 millions de tonnes de résidus agricoles excédentaires sont générés chaque année et la biomasse pourrait être utilisée pour alimenter des systèmes de refroidissement à sorption avec un coût d'exploitation inférieur à celui des systèmes à compression de vapeur.
L’Inde dispose également d’un potentiel énergétique lié à l’énergie solaire. Ce potentiel théorique correspond selon les auteurs à une production d’électricité d’environ 500 000 TWh par an sur la base d'un rendement de conversion photovoltaïque de 10 %. L’énergie solaire thermique peut également être utilisée directement dans les systèmes de refroidissement à sorption sans conversion en électricité.
En termes d’impact environnemental, une comparaison des émissions nettes de carbone indique que la sorption de vapeur alimentée par la biomasse pourrait permettre d’économiser 5,3 millions de tonnes d’émissions de carbone par rapport à la compression de vapeur, et même 1,3 million de tonnes par rapport au refroidissement évaporatif.
Télécharger le nouveau guide sur les chambres froides dans les pays chauds publié par l’IIF et Efficiency for Access (en libre accès) : https://iifiir.org/fr/fridoc/chambres-froides-un-guide-technique-pratique-conception-et-148065
Télécharger les papiers individuels du Congrès IIF 2023 (gratuit pour les membres individuels et collectifs) : https://iifiir.org/fr/fridoc?notice_search_form%5Bhasnt_documents%5D=true¬ice_search_form%5Bparent_id%5D=147365
Télécharger les comptes-rendus du Congrès IIF 2023 : https://iifiir.org/fr/fridoc/comptes-rendus-du-26-lt-sup-gt-e-lt-sup-gt-congres-international-du-froid-de-147365
Sources :
Duffy A. M. et al, Assessment of cold chain options, critical needs, and emerging solutions in developing countries with warm climates. https://iifiir.org/fr/fridoc/evaluation-des-options-de-la-chaine-du-froid-des-besoins-critiques-et-147908
Gupta P. et al, Refrigerated Transportation and Cold-chain Logistics in India – Current Status and Future Prospects. https://iifiir.org/fr/fridoc/le-transport-frigorifique-et-la-logistique-de-la-chaine-du-froid-en-147857