Frais comme une aile de papillon

Une étude récente démontre que les ailes de papillon contiennent un réseau de cellules vivantes dotées de propriétés thermodynamiques et thermorégulatrices. Le rafraîchissement des ailes est le résultat d’une faible absorption des rayons solaires associée à une dissipation thermique efficace.

Les ailes des papillons sont très sensibles à la température. Une exposition excessive au soleil pourrait provoquer une surchauffe de leurs ailes tandis que des températures trop basses pourraient les faire geler. Une équipe d’ingénieurs et de biologistes de Columbia Engineering, de l’université Harvard et de l’université de Washington a identifié un réseau de capteurs mécaniques et thermiques à l’intérieur des ailes des papillons.


Une aile de papillon absorbe la lumière du soleil et échange l’énergie par rayonnement thermique avec l’environnement ambiant, y compris l’environnement terrestre en dessous de l’aile et le ciel au-dessus de l’aile. L’énergie radiative émise de l’aile chauffée vers le ciel froid constitue un canal majeur de dissipation de la chaleur en plus des pertes de chaleur par convection.


L’équipe de recherche a examiné les ailes de papillon sous des rayonnements lumineux de longueur d'onde allant de l’ultraviolet à l’infrarouge . En lumière visible, les parties colorées des ailes remplissent des fonctions d’absorption et de réflexion de la lumière du soleil. Pendant ce temps, dans le proche infrarouge, les ailes de papillon ont une absorptivité solaire moindre. Il se trouve que la lumière du soleil est environ 50 % moins puissante dans le proche infrarouge. Par conséquent, une absorption solaire réduite dans le proche infrarouge contribue à réduire la température moyenne des ailes.


En outre, l’émissivité thermique des ailes de papillon n’est pas la même dans toutes les parties de l’aile de papillon. Les parties contenant des cellules vivantes ont des émissivités thermiques élevées approchant l’unité, ce qui est parfait pour la dissipation de la chaleur par rayonnement thermique. L’imagerie hyperspectrale a montré que la température moyenne des parties contenant des cellules vivantes est toujours inférieure à celle des parties « sans vie » des ailes. Dans les parties contenant des cellules vivantes, l’émissivité thermique élevée est due à des écailles comprenant des nanostructures uniques ainsi qu’à des couches de membrane épaisses.


En plus de ces aspects structurels, les papillons peuvent également réagir à l’intensité et à la direction de la lumière du soleil. Ils se déplacent de manière à réorienter les stimuli thermiques appliqués à leurs ailes. Les conditions environnementales simulées à l’aide de faisceaux laser ont montré que ces réactions se produisaient chaque fois qu’un faisceau laser était dirigé vers les cellules vivantes dans les ailes. Cela suggère que ces zones pourraient contenir un réseau de capteurs thermiques.


Cette recherche pourrait mener à des débouchés divers en termes de régulation des températures pour des objets qui sont légers et translucides comme les ailes de papillon. Les nanostructures trouvées dans les écailles d’aile de papillon pourraient inspirer la conception de matériaux de refroidissement radiatif et ainsi contribuer à gérer des conditions de chaleur excessives.


Source : Tsai, C., Childers, R.A., Nan Shi, N. et al. Physical and behavioral adaptations to prevent overheating of the living wings of butterflies. Nat Commun 11, 551 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-14408-8

 


Fig 1 : La thermodynamique des ailes de papillon
© Nature

« La température de l’aile à l’état stable est le résultat d’un équilibre entre l’absorption de la lumière du soleil (flèche orange), le transfert de chaleur par convection dans l’air environnant (flèches violettes) et l’échange d’énergie radiative entre l’aile chauffée et l’environnement relativement plus froid (flèches rouges). »


Fig 2 : Répartition des températures sur l’aile antérieure de trois espèces de papillons Eumaeini exposés à la lumière du soleil.
© Nanfang Yu and Cheng-Chia Tsai
Malgré la diversité des couleurs et motifs visibles des ailes, la température des taches odoriférantes, des coussinets et des nervures des ailes qui contiennent des cellules vivantes est toujours inférieure à celle des autres parties « non vivantes » des ailes.