Interview : le Directeur Général de l'IIF donne un aperçu des tendances du secteur du froid
Interview : le Directeur Général de l'IIF donne un aperçu des tendances du secteur du froid
Aperçu de l’impact du secteur du froid sur le changement climatique et les frigorigènes inflammables
1. Comment décririez-vous le rôle du froid aujourd'hui et quelles sont les perspectives de croissance du secteur ?
Le froid joue un rôle essentiel et de plus en plus important dans l'économie mondiale, avec des contributions importantes apportées dans les domaines de l'alimentation, de la santé, du confort thermique et de la protection de l'environnement. Le secteur du froid comprend tous les systèmes frigorifiques y compris les systèmes cryogéniques, les systèmes de conditionnement d’air et les pompes à chaleur.
Le nombre total de ces systèmes en service dans le monde est d’environ 3 milliards. Le secteur devrait croître dans les décennies à venir, en particulier dans les pays en développement, où la demande en matière de froid est en forte augmentation. Cette croissance doit être durable, avec un impact limité sur l'environnement et le climat de la planète en particulier.
2. Comment les systèmes frigorifiques peuvent-ils avoir un impact négatif sur l'environnement ?
Selon les estimations de l'IIF, 7,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) sont attribués au secteur du froid.
Les émissions peuvent être classées en deux catégories : les émissions directes et les émissions indirectes.
Les émissions directes de frigorigènes se produisent au cours des opérations de maintenance ou lorsqu'un dispositif frigorifique a atteint la fin de sa durée de vie, mais elles peuvent aussi être causées par des fuites pendant le fonctionnement. Les CFC (chlorofluorocarbures), les HCFC (hydrochlorofluorocarbures), et les HFC (hydrofluorocarbures) sont les fluides frigorigènes qui contribuent le plus au réchauffement climatique, comme en témoigne leur haut potentiel de réchauffement planétaire (GWP), jusqu'à 15 000 fois supérieur à celui d'une masse égale de dioxyde de carbone (CO2).
3. Comment réduire ces émissions ?
Il existe aujourd’hui de nombreuses alternatives aux frigorigènes à GWP élevé dont l’efficacité énergétique est comparable ou supérieure et qui peuvent permettre de réduire les émissions directes. L’ammoniac, le CO2, les hydrocarbures et les HFO en sont des exemples. Il convient toutefois de tenir compte du fait que ces frigorigènes de substitution peuvent présenter certains inconvénients, tels que des risques pour la sécurité (inflammabilité, toxicité), des risques environnementaux (produits de décomposition), des pressions de travail élevées ou des coûts plus importants. Ces risques et inconvénient doivent être pris en considération de la conception des installations frigorifiques jusqu’à la formation et la certification des opérateurs.
Pour réduire les émissions indirectes, nous devons réduire la consommation énergétique des systèmes frigorifiques.
4. Quelle est la meilleure façon d'améliorer l'efficacité énergétique des systèmes frigorifiques ?
Le potentiel d'amélioration de l'efficacité énergétique dans les technologies du froid est finalement limité par les lois de la thermodynamique ainsi que par des contraintes liées aux coûts. Cependant, des solutions pour limiter les pertes d'énergie peuvent toujours être mises en œuvre, telles que des systèmes de récupération d'énergie ou une meilleure isolation.
Une autre solution efficace consiste à utiliser le conditionnement d’air et les stratégies de contrôle intelligent de façon rationnelle, en sélectionnant par exemple des températures confortables pas trop basses en été, tout en évitant de refroidir inutilement les pièces vides.
5. L'Accord de Paris a été signé en 2015 et l'Amendement de Kigali est entré en vigueur le mois dernier. À quoi le secteur du froid peut-il s’attendre ?
La mise en œuvre de l'Amendement Kigali - visant à réduire progressivement la production et la consommation de HFC - pourrait entraîner une réduction du total des émissions directes de 0,7 GtCO2eq d'ici 2050. Cela représenterait une baisse de 44 % à 51 % des émissions cumulatives de HFC sur la période 2015-2050.
L’objectif de l’Accord de Paris est de « maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux pré industriels ». Dans ce contexte, il est important de souligner que l'Amendement de Kigali permettra d’empêcher une augmentation potentielle des températures moyennes de 0,1°C à 0,3°C d'ici 2100 (et non pas de 0,5°C comme affirmé fréquemment).
6. Quelles seraient les recommandations de l’IIF dans ce contexte ?
En vue de réduire les émissions directes, l'IIF encourage les gouvernements et les différents acteurs du secteur à coopérer pour que l'accord de Kigali soit un succès. L'IIF recommande également que les frigorigènes HFC et HCFC, qui ont un impact sur le réchauffement climatique, soient remplacés le plus tôt possible par des fluides frigorigènes ayant un faible impact sur le réchauffement planétaire. Des efforts sont également nécessaires en matière de confinement et de récupération, en particulier pour les frigorigènes ayant un impact significatif sur le réchauffement de la planète ou présentant des risques pour la sécurité (inflammabilité, toxicité).
Il est également primordial de réduire les émissions indirectes, dont l'impact sur le climat est plus fort que celui des émissions directes. Les gouvernements doivent encourager l'utilisation des énergies renouvelables et promouvoir l'efficacité énergétique à tous les niveaux de l'économie, ainsi que des programmes éducatifs sur l'utilisation rationnelle de l'énergie. Il demeure essentiel de poursuivre les travaux de recherche et de développement sur les frigorigènes alternatifs et les méthodes de réfrigération alternatives, pour atteindre une haute efficacité énergétique et la rentabilité de ces nouvelles technologies.