La forte progression des besoins de froid devrait être davantage prise en compte dans les politiques publiques
Les indicateurs de degrés-jours récemment publiés confirment la progression constante des besoins de refroidissement par rapport aux besoins de chauffage dans l’UE. Et, au niveau mondial, la consommation d’énergie imputable au froid (y compris le conditionnement d’air) devrait dépasser celle liée au chauffage d’ici 2060 environ.
Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, a publié le 31 mai 2022 de nouvelles données sur les degrés-jours de refroidissement (CDD) et les degrés-jours de chauffage (HDD) illustrant respectivement l'évolution des besoins en refroidissement* et en chauffage des bâtiments en fonction des températures extérieures dans l’Union européenne. (1)
Le calcul des CDD repose sur la température de base, définie comme la température moyenne quotidienne la plus élevée de l'air n'entraînant pas de refroidissement intérieur. La valeur de la température de base dépend en principe de plusieurs facteurs associés au bâtiment et au milieu environnant. En utilisant une approche climatologique générale, la température de base est fixée à une valeur constante de 21 °C dans le calcul des CDD. Seuls les jours où la température moyenne quotidienne de l'air est égale ou supérieure à 24 °C sont pris en compte pour ce calcul. Ces calculs sont exécutés quotidiennement, additionnés sur un mois civil puis sur des années calendaires.
Eurostat souligne que le besoin de refroidir un bâtiment donné a augmenté au fil du temps, avec des valeurs moyennes de degrés-jours de refroidissement (CDD) presque trois fois plus élevées en 2021 (100) qu'en 1979 (37). Il en résulte dans l'UE une augmentation moyenne de 170 % des besoins théoriques de conditionnement d’air des bâtiments en 42 ans (voir l'évolution du CDD sur le tableau ci-dessous).
Les valeurs CDD varient selon les pays de l'UE. Si l'on considère la dernière année d'observation (2021), les pays présentant les valeurs les plus élevées étaient Malte (793), Chypre (732) et la Grèce (421).
En revanche, les valeurs des degrés-jours de chauffage (HDD) ont diminué de 11 % entre 1979 et 2021 dans l'UE, ce qui a entraîné des besoins en chauffage équivalant en 2021 à 89 % des besoins de 1979.
Eurostat souligne que les indicateurs tels que HDD et CDD peuvent contribuer à la surveillance des variations de la demande d'énergie pour le refroidissement et le chauffage des bâtiments dans le cadre du changement climatique.
Ces indicateurs montrent une forte augmentation des besoins de refroidissement. Ainsi, selon l'UE, d'ici 2030, l'énergie utilisée pour refroidir les bâtiments à travers l'Europe devrait augmenter de 72 %, tandis que l'énergie utilisée pour le chauffage des bâtiments diminuerait de 30 %. (2)
À l'échelle mondiale, selon l'AIE (3), les besoins en refroidissement des locaux du secteur du bâtiment n’ont nécessité que 15 % de l'énergie utilisée pour le chauffage en 2019. Cependant, les degrés-jours de refroidissement devraient augmenter de 50 % d'ici 2050 à 70 % d'ici 2070, selon la région et l'impact du changement climatique sur l'augmentation de la température. Par conséquent, la demande de refroidissement devrait augmenter de plus de 3 % par an au cours des trois prochaines décennies, soit huit fois plus vite que la demande de chauffage au cours des 30 dernières années.
Selon d’autres projections, d'ici 2060 environ, la quantité d'énergie utilisée dans le monde pour le refroidissement dépassera celle utilisée pour le chauffage. (3)
Pourtant, cette importance croissante du froid* (y compris le conditionnement d’air) et des technologies connexes n'est probablement pas encore complétement prise en compte dans la stratégie de l'Union européenne vers l’objectif d’un système énergétique neutre en carbone d'ici 2050. Ainsi, la feuille de route sur le soutien politique à la décarbonation du chauffage et du refroidissement qui vient d'être publiée le 13 juin dernier par la Commission européenne est axée principalement sur le chauffage. (4)
* Le terme « refroidissement » (« cooling » en anglais), utilisé dans les sources citées et repris dans cet article, désigne le refroidissement des espaces et est équivalent à « conditionnement d'air ». Les définitions de « cooling » et « refrigeration », approuvées par l’IIF et l’ASHRAE, sont précisées ici.
Sources :
(3) https://www.iea.org/commentaries/is-cooling-the-future-of-heating
(4) https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0301421508005168
(5) Policy support for heating and cooling decarbonisation Roadmap : https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f5118ffc-eabd-11ec-a534-01aa75ed71a1/language-en