Le déversement nocif en Afrique de climatiseurs obsolètes

Selon un rapport récent, 35 % des climatiseurs individuels vendus dans dix pays africains sont des climatiseurs de faible efficacité énergétique. Les climatiseurs contenant du R22 représentent 47 % du marché, tandis que 49 % contiennent du R410A. La mise en place de normes de performance énergétique minimales (NPEM) et l’interdiction des climatiseurs utilisant des frigorigènes à fort PRP pourraient empêcher un tel dumping environnemental.

Le marché africain du conditionnement d’air n’a cessé de croître entre 2005 et 2019. En 2018, la taille du marché des climatiseurs individuels en Afrique a été estimée à environ 2,8 millions d’unités. [1] En 2019, le marché du conditionnement d’air en Afrique avait progressé de 8,8 % d’une année sur l’autre, avec en tête l’Algérie (679 000 unités), le Nigeria (628 000 unités) et l’Egypte (620 000 unités). Les climatiseurs split occupent 80 % à 90 % du marché des climatiseurs individuels et, en général, les modèles contenant du R22 prédominent. [2]

 

Le CLASP (Collaborative Labelling and Appliance Standards Program) a récemment publié un rapport examinant le marché des climatiseurs split en 2018 dans 10 pays qui représentent 96 % du marché africain :  Algérie, Égypte, Éthiopie, Ghana, Kenya, Maroc, Nigeria, Afrique du Sud, Tanzanie et Tunisie. Dans ce rapport, les « climatiseurs à faible efficacité énergétique » ont été définis comme des climatiseurs individuels dont le taux d’efficacité énergétique (efficiency energy ratio ; EER) était inférieur au seuil minimal de 3,0 W/W.  Étant donné qu’un EER de 3.0 W/W est le seuil minimal pour la plupart des pays qui exportent des climatiseurs vers les pays africains, ces produits ne pourraient pas être vendus dans les pays où ils sont fabriqués.

 

En 2018, la Chine a fourni environ 80 % des climatiseurs individuels importés par les 10 pays ciblés dans le rapport. Environ 650 000 modèles à faible efficacité énergétique ont été importés dans ces 10 pays, ce qui représente 35 % des ventes totales de climatiseurs individuels. D’après les données du BSRIA, il semble que les climatiseurs contenant du R22 représentent 47 % du marché, tandis que 49 % contiennent du R410A. Jusqu’à présent, seul 1 % des climatiseurs individuels vendus en Afrique utilisaient du R32 dont le PRP est plus faible, et ces climatiseurs ont été vendus exclusivement en Afrique du Sud. L’Afrique du Sud est le seul des 10 pays africains étudiés qui semble ne pas avoir de climatiseurs individuels neufs au R22 sur son marché.

 

La Chine est le principal exportateur de climatiseurs au R22 (57 %), suivie de l’Égypte (11 %), des États-Unis (3 %), du Nigéria (1,6 %) et de la Corée du Sud (0,6 %). Les plus grands marchés pour les climatiseurs à faible efficacité énergétique sont le Nigeria et l’Égypte. Grâce à des partenariats et à des sociétés en participation avec des fabricants de climatiseurs individuels non africains, l’Égypte et le Nigéria ont la capacité de produire, d’assembler et d’exporter en masse des climatiseurs individuels vers le reste du marché africain. La majorité des climatiseurs au R22 (82 %) vendus dans les neuf pays cibles (à l’exception de l’Afrique du Sud) est assemblée localement par des assembleurs égyptiens ou nigérians utilisant des pièces importées.

 

Sources de climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique

 

Les quatre principales sources pour le marché des climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique dans les pays cibles sont les suivantes :

 

  • 26 % : des entreprises non africaines qui exportent des climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique intégrant des technologies de climatisation obsolètes.
  • 23% : des sociétés en participation entre des petits assembleurs africains et des grands fabricants de climatiseurs individuels non africains qui assemblent des climatiseurs individuels dont l’efficacité énergétique est inférieure à celle des produits commercialisables sur les territoires nationaux du partenaire non africain de la société en participation.
  • 18% : des assembleurs de climatiseurs individuels africains indépendants qui importent des composants et assemblent des climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique.
  • 6% : des filiales locales d’entreprises non africaines assemblant des climatiseurs individuels en Afrique et utilisant des composants importés pour des produits dont l’efficacité est trop faible pour être vendus sur le marché intérieur des entreprises non africaines. Ces produits sont vendus sous la marque de l’entreprise non africaine.

 

Les pays africains dotés d’une importante capacité d’assemblage de produits de conditionnement d’air ont souvent des mesures nationales incitatives en faveur de l’assemblage local, telles que des droits de douane réduits sur les composants, des exigences en matière de contenu national ou même des interdictions d’importer des produits assemblés. Toutefois, les assembleurs de climatiseurs individuels africains indépendants (c’est-à-dire ne faisant pas partie d’une société en participation) sont empêchés de fournir des produits de qualité supérieure car ils sont concurrencés par des produits à bas prix et identiques en apparence.

 

Impact du dumping environnemental de climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique et à PRP élevé

 

Les climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique sont plus énergivores et plus coûteux pour les consommateurs et les gouvernements. Les consommateurs paient des factures d’électricité plus élevées et les pays paient plus cher pour les installations de production d’électricité, le combustible importé, le transport d’électricité et les infrastructures de distribution. La transition vers des climatiseurs individuels à haute efficacité énergétique peut réduire ce fardeau pour les consommateurs et les gouvernements. Par exemple, une étude de la Banque mondiale sur le marché des climatiseurs individuels en Afrique du Nord a estimé que le coût d’investissement évité par unité pourrait atteindre une moyenne de 234 dollars en 2030. Cet argent pourrait être économisé en établissant et en renforçant les NPEM et en interdisant les climatiseurs individuels contenant des HCFC et des frigorigènes à PRP élevé.

 

Certains pays africains ont mis en œuvre des normes d’efficacité énergétique et des interdictions frappant les équipements de seconde main (d’occasion). Cependant, nombreux sont les pays africains qui n’ont pas encore mis en œuvre une quelconque politique de lutte contre le dumping environnemental pour les produits neufs. En septembre 2019, United for Efficiency (U4E) a publié un modèle de normes d’efficacité énergétique et d’orientations d’étiquetage pour aider les gouvernements des économies en développement et émergentes à établir ou à renforcer leurs réglementations. L’adoption des NPEM du Modèle de U4E en 2022 pourrait entraîner une réduction cumulée des émissions de gaz à effet de serre entre 2022 et 2030 de 40 mégatonnes de CO2e dans les pays cibles.

 

Outils à la disposition des décideurs africains afin de prévenir le dumping environnemental

 

Le rapport du CLASP suggère que les décideurs africains prennent des mesures pour mettre fin au dumping environnemental de climatiseurs individuels à faible efficacité énergétique et obsolètes. Les actions pourraient inclure :

 

  • La ratification de l’Amendement de Kigali au Protocole de Montréal et l’adoption des politiques de mise en œuvre.
  • L’élaboration et la mise en œuvre de NPEM et de politiques d’étiquetage en adéquation avec les principaux pays exportateurs de climatiseurs individuels.
  • Le renforcement des dispositions institutionnelles.
  • La révision des droits de douane sur les climatiseurs individuels afin d’assurer la compatibilité avec les objectifs en matière d’efficacité énergétique.
  • L’interdiction d’importer des climatiseurs individuels d’occasion à faible efficacité énergétique, même rénovés. Faire largement connaître et appliquer cette interdiction.
  • L’organisation d’achats groupés et de clubs d’acheteurs pour regrouper les demandes et les achats à des prix abordables de climatiseurs individuels à efficacité énergétique élevé et faible PRP.
  • Le recyclage et l’élimination correctes des climatiseurs individuels obsolètes.
  • La transposition des solutions à l’échelle régionale.
  • L’implication des groupes locaux qui profitent du système actuel en faisant le commerce d’équipements obsolètes dans la résolution de ces pratiques.

 

Sources:

[1] Environmentally Harmful Dumping of Inefficient and Obsolete Air Conditioners in Africa. Lien.

[2] JARN, January 25, 2020