Le froid magnétique, technologie prometteuse pour la liquéfaction de l’hydrogène
Une keynote du récent Congrès de l’IIF met en avant le froid magnétique comme une technologie à fort potentiel pour la liquéfaction de l’hydrogène, vecteur énergétique essentiel de la décarbonation.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (1), l’hydrogène est « une pièce de plus en plus importante du puzzle zéro émission nette d’ici 2050 ». L’hydrogène propre produit à partir d’énergies renouvelables ou nucléaires, ou de combustibles fossiles utilisant le captage du carbone, peut contribuer à décarboner un certain nombre de secteurs, notamment les transports longue distance, les secteurs de la chimie, ainsi que du fer et de l’acier, où il s’avère difficile de réduire les émissions. L’hydrogène peut également contribuer à l’intégration d’énergies renouvelables variables dans le système de production électrique, étant l’une des rares options pour le stockage d’énergie.
Cependant, selon G. F. Peixer et al. (2), ce potentiel de décarbonation ne s’est pas encore concrétisé et des défis techniques et économiques sont encore à relever. Le stockage et le transport de l’hydrogène font partie des plus importants.
Dans une keynote (3) présentée lors du Congrès IIF 2023 à Paris, des chercheurs japonais ont souligné que pour rendre l’hydrogène utilisable comme source d’énergie, il est nécessaire de le convertir sous une forme compacte exploitable en vue de sa distribution. Diverses options telles que l'hydrogène liquide, l'ammoniac et le méthylcyclohexane ont été envisagées, et les recherches et développements en cours visent à surmonter les défis techniques, en tenant compte des avantages et des inconvénients de chaque option. Parmi celles-ci, l’hydrogène liquide offre l’avantage de réduire considérablement le volume d’hydrogène gazeux jusqu’à 1/800ème, mais son coût plus élevé par rapport aux autres options constitue un inconvénient.
Pour liquéfier l'hydrogène, l'hydrogène gazeux doit être refroidi à des températures cryogéniques d'environ 20 K (-253 °C) à une pression de 1 atmosphère, ce qui nécessite une quantité considérable d'électricité. (3)
L’hydrogène a été liquéfié pour la première fois par Sir James Dewar en 1898. Depuis, diverses technologies et architectures de systèmes ont été évaluées. Les plus notables d’entre elles sont les technologies « conventionnelles » basées sur les cycles de Linde, Claude et Brayton. (2)
Au cours des dernières décennies, plus de 50 usines de liquéfaction d’hydrogène ont été construites en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, même si nombre d’entre elles ne sont pas encore en service. La capacité mondiale de liquéfaction de l’hydrogène est de 350 tonnes par jour, la capacité du plus grand liquéfacteur étant de 32 tonnes par jour. Malgré de nombreux développements ces dernières années, les performances des systèmes de liquéfaction de l’hydrogène doivent encore être améliorées, tant sur le plan technique qu’économique, pour garantir que la technologie constitue une option viable et efficace pour le stockage et le transport de l’hydrogène. (2)
L'efficacité des systèmes frigorifiques actuellement en fonctionnement se situe généralement entre 20 % et 30 %, en fonction de leur puissance. Afin de poursuivre l’amélioration de cette efficacité, plusieurs projets ambitieux sont en cours, bien qu'en phase de conception. (3)
Le froid magnétique est une méthode susceptible d’améliorer considérablement l’efficacité de la liquéfaction. Par rapport aux réfrigérateurs à détente de gaz conventionnels, le froid magnétique offre un potentiel d'efficacité de liquéfaction plus élevé, avec des valeurs théoriques supérieures à 50 %. (3)
Le froid magnétique repose sur « l'effet magnétocalorique ». Cet effet implique l'alignement ou le désalignement du moment magnétique (entropie de spin) d'un frigorigène magnétique par magnétisation et démagnétisation d'un champ magnétique, entraînant des variations de température du frigorigène. Le froid magnétique fonctionnant selon les principes du cycle de Carnot offre un potentiel élevé d’amélioration de l’efficacité. (3)
Pour améliorer la puissance frigorifique du froid magnétique, deux facteurs clés sont pris en compte : le développement de nouveaux frigorigènes magnétiques avec des changements d'entropie plus importants et l'utilisation d'aimants puissants pour maximiser les variations du champ magnétique. (3)
Le froid magnétique peut être principalement classé en trois méthodes : le froid à démagnétisation adiabatique (ADR), le froid magnétique de Carnot (CMR) et le froid magnétique actif à régénération (AMR). L'ADR et le CMR ont tous deux une efficacité élevée mais sont limités dans leurs plages de température en raison du cycle de Carnot. Pour surmonter cette limitation, le froid magnétique actif à régénération a été proposé par Barclay en 1982 (4). L'AMR combine l'effet régénérateur avec l'effet magnétocalorique, étendant la plage de température du CMR, auparavant limitée à quelques Kelvin, à plusieurs dizaines de Kelvin. (3)
La prise en compte de l’AMR à des fins de conception pour la liquéfaction de l’hydrogène a commencé à la fin du 20e siècle. Trois équipes de chercheurs des États-Unis, de Corée du Sud et du Japon sont activement impliqués dans les travaux de recherche et développement en cours.
Lors du congrès de l'IIF, les chercheurs japonais de l'Institut national pour la science des matériaux (NIMS) et de l'Université de Kanazawa (3) ont fait part d’une étape importante en réalisant pour la première fois avec succès la liquéfaction de l'hydrogène à l'aide de l'AMR.
Le développement du liquéfacteur d’hydrogène basé sur l’AMR doit progresser vers des tailles plus grandes et des performances plus élevées pour améliorer sa praticité. Simultanément, des efforts doivent être déployés pour élargir la plage de températures de fonctionnement, rendant le système plus polyvalent et applicable dans divers contextes. Bien que le développement des éléments du système soit crucial, une attention égale est accordée au développement de frigorigènes magnétiques plus avancés permettant d'augmenter la puissance frigorifique et d'atteindre des températures de chaleur rejetée plus élevées dans les mêmes conditions expérimentales. (3)
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Sources :
(1) https://www.iea.org/energy-system/low-emission-fuels/hydrogen
(2) Peixer G. F. et al., Comparison of conventional and emerging technologies for hydrogen liquefaction. Lien.
(3) Kamiya K et al, Magnetic refrigerators for hydrogen liquefaction. Lien
(4) Barclay, J.A., Steyert, W.A., 1982. Active magnetic regenerator. U.S. Patent 4,332,135. https://patents.google.com/patent/US4332135A/en