Les frigorigènes naturels, moteurs de la transition vers un transport frigorifique respectueux de l’environnement

Le transport frigorifique joue un rôle essentiel dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de produits alimentaires et pharmaceutiques. Mais c’est aussi une source souvent cachée d’émissions de gaz à effet de serre. Alors que les objectifs climatiques se resserrent et que certains frigorigènes sont l'objet d’élimination progressive dans le cadre des réglementations, le secteur se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Les frigorigènes naturels peuvent-ils offrir les performances, la sécurité et la durabilité nécessaires pour assurer l’avenir de la chaîne logistique du froid ?

Une étude exhaustive publiée dans la Revue internationale du froid examine la manière dont les fluides actifs naturels, tels que le dioxyde de carbone (CO₂), l’ammoniac et les hydrocarbures, redéfinissent l’avenir du transport frigorifique.

Menée sous la direction de Silvia Minetto, présidente de la Commission D2 de l’IIF sur le transport frigorifique, cette recherche présente les applications actuelles et les innovations émergentes qui soutiennent la transition vers des systèmes de refroidissement écoénergétiques et à faibles émissions de GES dans les secteurs du transport routier, ferroviaire, maritime et aérien.

 

Les systèmes frigorifiques utilisés dans le transport sont confrontés à des défis uniques : contraintes d’espace, conditions environnementales extrêmes, ou encore taux de fuite de frigorigène élevés. Selon l’étude, les fuites dans les camions frigorifiques peuvent ainsi atteindre jusqu’à 165 % de la charge initiale sur une durée de vie de dix ans, une contribution majeure aux émissions de GES. L’utilisation de fluides actifs naturels apparaît ainsi comme une solution pour réduire considérablement ces émissions tout en améliorant la fiabilité et la sécurité des systèmes.

 

Le CO₂ : une solution sûre et évolutive

 

Le dioxyde de carbone gagne du terrain en tant que frigorigène non toxique et ininflammable, adapté à un large éventail d’applications dans le transport. L’étude met en évidence plusieurs essais sur le terrain réussis de systèmes à base de CO₂ utilisés dans des remorques, des conteneurs intermodaux et des navires de pêche, intégrant des innovations telles que les cycles à éjecteur et des configurations multi-température, qui améliorent les performances même dans des conditions ambiantes extrêmes.

 

Sur les navires de pêche, les systèmes au CO₂ ont démontré des performances supérieures à celles des systèmes traditionnels dans les climats chauds, avec une amélioration pouvant atteindre 70 %. Cette technologie permet également la récupération de chaleur, qui peut servir à la transformation des produits à bord (production d’huile de poisson, par exemple).

 

L’ammoniac et les hydrocarbures : des fluides efficaces mais dépendants des réglementations en place

 

L’ammoniac est déjà largement utilisé dans le froid maritime, souvent dans des systèmes en cascade avec du CO₂ pour atteindre des températures très basses. Les hydrocarbures comme le propane (R-290) affichent une grande efficacité et un faible impact environnemental, mais leur inflammabilité nécessite des normes de sécurité et des procédures d’évaluation des risques rigoureuses. Des essais in situ réalisés en Afrique du Sud ont montré une augmentation de 25 % du COP ainsi qu’une baisse notable de la consommation de carburant et des émissions de GES lorsque l’on remplace le R-404A par du R-290 dans les camions frigorifiques.

 

Les systèmes cryogéniques et hybrides

 

L’étude parue dans la RIF examine également les systèmes de stockage d’énergie thermique (TES) utilisant du CO₂ ou de l’azote liquéfié, qui gagnent en popularité dans le domaine de la livraison urbaine et du fret aérien. Les systèmes hybrides qui associent la cryogénie aux cycles de compression de vapeur apparaissent de plus en plus comme des solutions prometteuses, en particulier lorsqu’ils sont intégrés à des véhicules électriques ou à énergie solaire.

 

Perspectives politiques et commerciales

 

Les auteurs mettent l’accent sur l’impact de la réglementation européenne sur les gaz fluorés, de l’amendement de Kigali et des restrictions à venir sur les PFAS, qui accélèrent l’abandon des frigorigènes de synthèse. Silvia Minetto appelle à des efforts de normalisation, en particulier pour les frigorigènes inflammables, afin d’accompagner les fabricants dans le déploiement de systèmes utilisant des fluides naturels de manière à la fois sûre et efficace.

 

 

L’étude est disponible dans son intégralité en libre accès dans FRIDOC.