Visite technique du marché aux poissons de Tokyo
Lors de la conférence ICCC en juin dernier, les participants ont eu la possibilité de participer à des visites techniques, dont celle du marché aux poissons de Tokyo. Alain Le Bail, Président de la commission C2 de l'IIR, a choisi d'y participer. Découvrez son témoignage.
"La visite a eu lieu lors du jour de relâche ; nous n’avons donc pas vu beaucoup de produits à part quelques chargements en cours.
Le marché a déménagé en 2017. S’il était possible de déambuler librement dans l’ancien marché que j’avais visité en 2004, ce nouveau marché très moderne se visite plus difficilement pour des raisons d’hygiène. Il est par exemple possible d’assister aux enchères des thons sur réservation.
La visite comprenait une délégation de 20 personnes dont 3 français (Souhir HAMMAMI de l’IIF, Didier PATHIER de Air Liquide Chine et moi-même). Judith Evans, présidente de la section C, a aussi participé. Une présentation en salle a permis de découvrir ce complexe impressionnant. La partie marché qui concerne le négoce des retours de pêche est adossée au bâtiment de stockage frigorifique qui est organisée sur un bâtiment cubique comprenant 7 étages. Des espaces importants sont prévus entre le marché et le stockage (+1 m) pour pouvoir résister aux tremblements de terre et éviter aux bâtiments de se percuter. Les régimes de chaîne du froid sont particuliers au Japon avec les niveaux de température suivants ; +3 °C pour le réfrigéré, -13 °C pour le stockage de certains produits comme le caviar, les sardines, -25 °C qui est le régime de stockage le plus habituel, -35 °C pour les oursins, les crevettes et le poisson « sashimi grade » et -60 °C dédié aux poissons les plus nobles et les plus appréciés des Japonais, qui sont aussi les plus gras comme le thon (photo 4) et le saumon.
Le Prof Manabu WATANABE qui organisait le congrès avait présenté à ICCC 2018 à Pékin l’intérêt de ce niveau de température pour obtenir une préservation parfaite des poissons et inhiber tout phénomène d’oxydation. A noter que le régime de -25°C est en cours d’évolution avec une réglementation qui remonte la consigne à -18 °C comme régime de référence afin de rejoindre les standards internationaux. On nous a indiqué que cette évolution se faisait progressivement car le marché est habitué au -25 °C. La motivation principale de ce changement porte sur des économies d’énergie.
L'entreposage frigorifique
Lors de la visite des installations de stockage frigorifique, nous avons pu rentrer dans diverses chambres froides avec comme point « chaud » le stockage à -60 °C (il existe deux grands espaces de stockage -60 °C qui représentent environ 1/7 du volume de stockage total). Le volume était impressionnant tout comme les masses de givres présentes au sol et au plafond. L’accès se fait par un sas assez volumineux qui permet de stocker les produits avant introduction dans l’espace de stockage.
Le dégivrage, qui est un enjeu majeur, se fait mécaniquement et a lieu toutes les semaines pour les plafonds et tous les jours pour les batteries d’échangeurs ; le dégivrage des batteries ne concerne pas le stockage -60°C puisque l’air est en cycle ouvert et revient vers le groupe avec un delta T d’environ 10°C. Les thons étaient stockés en vrac dans des cages métalliques avec des spécimens de taille importante.
La salle des machines
Les machines frigorifiques mises en œuvre sont fournies par MAYEKAWA avec des cascades Amoniac-CO2 jusque -35°C (référence NewTon) et des machines à cycle à air pour le stockage -60°C (référence PascalAir). Il existerait environ 100 machines de ce type en opération. Nous avons visité une salle des machines équipée de deux unités de 30 kW chacune. Ces machines fonctionnent en cycle ouvert côté froid, c’est-à-dire que l’ai est injecté dans les chambres de stockage et est repris pour être renvoyé vers l’unité frigorifique. Côté chaud, un échangeur à eau assure l’échange thermique. La spécificité de ces machines porte sur une turbine double couplée au moteur de circulation du fluide ; une turbine côté compression et une turbine côté détente (bootstrap). L’installation a été démarrée et a atteint son régime stabilisé au bout de 3 minutes, avec une vitesse de rotation de 18 000 rpm. Le dispositif était relativement peu bruyant.
Conclusion
Cette visite a été très instructive et impressionante; les machines cycle à air sont installées depuis 2017 et l’interlocuteur MAYEKAWA a indiqué qu’aucune maintenance majeure n’a été faite sur ces installations. Le coefficient de performance annoncé à 0,5 semble intéressant en regard de ce qu’on pourrait attendre d’une machine à compression classique. La maîtrise technologique du bootsrap est le point sensible de ces installations tout comme la déshydratation de l’air en circulation. Ces installations sont exploitées en stockage et il est peu probable de les retrouver en transport qui est assuré selon nos interlocuteurs en système « isotherme » avec machine de froid classique à compression. A noter que ces systèmes cycle à air sont également présent en aéronautique pour la climatisation des avions."
Alain LE-BAIL, Président de la commission C2 de l'IIF - ONIRIS-GEPEA Nantes France
1 https://www.mayekawa.com.au/494/wp-content/uploads/2020/08/Pascal-Air-Brine-Cooler-Unit.pdf
2 https://mayekawa.com/lp/newton/
Cette article a été initialement publié dans le numéro 1191 de la Revue Générale du Froid (Juillet-Août 2024), le magazine de l'Association Française du Froid.